vendredi 30 avril 2010

Article du Journal Du Dimanche du 25 avril 2010

Paris-Mantes, l'insécurité ordinaire

Réputée "dangereuse" certains jours, la ligne J de la SNCF a dû recevoir des renforts. Usagers, médiateurs et contrôleurs témoignent.

Samedi soir, gare Saint-Lazare, dans l’avant-dernier wagon du Paris-Mantes de 20 h 20. Joss, vendeuse dans un magasin de chaussures du 16e, y retrouve d’autres habitués. Ils voyagent ensemble. Joss plaisante avec Awa, Hervé, Sophie et Rosana, tous employés dans des boutiques parisiennes. Parfois, ils sont douze à se serrer sur deux carrés de quatre places. "En groupe, on fait la force", dit Joss, qui emprunte cette ligne depuis neuf ans. "Nous sommes fatigués, irritables, et on n’a pas envie que l’on nous nargue avec de la musique à fond ou de la fumée de shit." Hervé a déjà été racketté une fois, les femmes ont été agressées verbalement plusieurs fois. Joss choisit de partir le soir, pour prendre un train direct : c’est plus rapide et plus sûr. Car les trains omnibus des lignes Saint-Lazare-Mantes par Poissy et Conflans sont jugés "dangereux" le mercredi, le samedi et pendant les vacances scolaires par les syndicats de cheminots. "C’est le Far West dans certains trains du week-end", reconnaît Philippe Guiter, conducteur et secrétaire fédéral de SUD-Rail.

Le 13 mars dernier, un groupe de sept contrôleurs était pris à partie par des voyageurs juste après la gare de Mantes. C’était un samedi après-midi. Contrôlé, un passager de 23 ans sans ticket s’énerve, sort un couteau et rameute d’autres jeunes. Les agents de la SNCF se retrouvent face à une trentaine de personnes qui veulent en découdre. Deux contrôleurs ont les mains lacérées de coups de couteau, trois autres sont frappés. La station suivante, la police intervient et arrête plusieurs personnes. L’auteur des coups de couteau sera condamné en comparution immédiate à deux ans de prison ferme. Les contrôleurs sont en arrêt maladie.

Les CRS opèrent sur des portions jugées sensibles

Un mois après cet incident violent, deux compagnies de CRS sont en renfort sur le secteur. Elles opèrent sur des "zones", des portions de trajet ciblées comme sensibles : Mantes, Les Mureaux, Conflans, Houilles, Chanteloup-les-Vignes… Les contrôleurs agissent en liaison avec la police ou la « Suge », le service de surveillance générale de la SNCF. Mais ce dispositif est temporaire. Il prendra fin dans quelques semaines. Mercredi dernier, c’est précisément en gare de Houilles que le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a annoncé son « plan national de sécurisation des transports », qui comprend un déploiement de la vidéosurveillance. Sur les 89 gares de la zone Paris-Saint-Lazare, la moitié est déjà équipée de caméras.

Le directeur du Transilien de Paris-Saint-Lazare, Guillaume Ancel, souligne que les "agressions avec acte de violence sont stables", de l’ordre d’une quarantaine en 2008 et en 2009. Pour un trafic de 230.000 voyageurs par jour sur la ligne J, la moitié du trafic de tout Saint-Lazare. Pour les syndicats, le bilan est différent : « On juge qu’il y a une dégradation depuis quelques mois », affirme Pascal Blondiaux, secrétaire régional CFDT. Sa confédération dénombre bien une quarantaine d’agressions physiques d’agents sur Paris-Saint-Lazare en 2009, mais en déplore une dizaine pour les contrôleurs et trois pour les conducteurs sur les seuls trois premiers mois de 2010. "Sans compter les agressions verbales, les insultes, les crachats, en hausse exponentielle. Sur cette ligne, il y a une volonté de s’en prendre à toute personne qui symbolise l’autorité."

Tous les ans, 2.000 alarmes tirées, dont 80 % sont de la malveillance

Sur la ligne J, les violences dues à des bandes "se développent depuis six mois", estime Olivier Gendron, de la CGT. Le 3 avril, une bande d’Achères se rendant à la Défense est interceptée à Houilles : douze personnes armées de béquilles et de matraques sont arrêtées. Le 8 avril, en gare des Mureaux, autre arrestation de sept jeunes par la BAC. Lundi 19, trois jeunes sont arrêtés à Mantes après la brutale agression d’un passager sur un omnibus Paris-Mantes.

Au phénomène des bandes s’ajoute le ras-le-bol des usagers. "C’est tendu, ajoute Olivier Gendron, les gens en ont marre. Les retards leur pourrissent la vie et c’est le cheminot qui “mange”." Un contrôleur de Mantes en « mission de visibilité » avec quatre collègues – l’équipe observe mais ne contrôle pas – témoigne : "Même les cols blancs sont susceptibles de péter les plombs. Un collègue a reçu un coup de tête d’un homme de 50 ans pour l’avoir heurté sans le faire exprès avec son sac de contrôleur. Il n’y a pas une journée sans altercation."

Musique à fond sur le téléphone portable, fumée de cigarette, insultes… Les incivilités nourrissent ce climat de malaise. Jessica, 22 ans, étudiante, prend le Paris-Mantes régulièrement le week-end pour voir sa famille et assure pouvoir « compter sur les doigts de la main les fois où ça s’est bien passé ». Elle n’a jamais été agressée physiquement, mais vit mal les menaces, les intimidations du style « je vais revenir avec ma bande, tu vas voir ». Les 2.000 tirages d’alarme annuels – à 80 % de la malveillance, et à 20 % des appels de détresse – retardent les rames et exaspèrent les voyageurs. Les tags sur les trains et les bâtiments ont cependant diminué de 60 % en 2009, grâce à la mise en place de capteurs qui signalent toute intrusion dans les hangars.

Une quarantaine de médiateurs travaillant pour une association sont aussi présents sur les trains de la ligne J, lors des sorties de jeunes vers Paris et au retour, pour discuter avec eux, essayer de calmer le jeu. Et Didier Durand, agent SNCF chargé de la prévention dans les établissements scolaires, intervient devant les élèves, du primaire au lycée. Jeux de rôle, petits films sur lesquels les jeunes sont appelés à réagir, visite de gares. "Nous sommes un frein aux incivilités, pas un coup de baguette magique." Depuis peu, il doit faire face à des vidéos postées sur Internet : des défis montrant des jeunes montant sur les toits de train. "On leur explique que s’ils veulent faire pareil, ils se tuent à coup sûr."

Louis Gomez, habitant à Bonnières et président du Comité des usagers de l'ouest francilien, se dit favorable à cette médiation-prévention. Cette "réhumanisation" passe aussi par le retour d’agents dans les gares, qui, selon lui, "sont fermées à certaines heures". Louis Gomez estime, que "la première attente des usagers, c’est l’amélioration de la régularité, des trains moins sales et une meilleure information. L’usager se sent méprisé. Nous demandons un plan d’urgence pour Saint-Lazare." Ces douze derniers mois, la délinquance est en hausse de 2,17 % sur l’ensemble des réseaux ferrés d’Ile-de-France, selon le ministère de l’Intérieur.

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Emission radio "La BAC" du 23 mars 2010 sur LFM : la sécurité dans les transports

Dix jours après l'agression de 5 contrôleurs en gare de Villennes sur seine à bord d'un train Transilien, qui avait conduit à un mouvement spontané le dimanche 14 mars, LFM, la nouvelle radio de Mantes la Jolie a décidé de consacrer une de ces émissions aux problèmes de sécurité dans les transports, notamment sur les lignes Paris Mantes via Poissy et via Conflans Sainte Honorine. Etaient conviés à cette émission : Laetitia, contrôleuse SNCF, mesdames Bermont et Barbier du Comité d'Usagers de la Rive Droite, et Franck Menant, membre du Comité d'usagers de l'ouest francilien, et responsable de la gare de Bréval. Nous vous proposons de découvrir l'émission ci-dessous.

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Article du Courrier de Mantes du 17 mars 2010

Les usagers SNCF du Mantois meuglent leur colère

Les voyageurs de la ligne Oissel-Paris ont organisé une manifestation pacifique à leur descente de train à Paris.

8 h O8 jeudi dernier. Le transilien en provenance de Oissel et desservant les gares de Bonnières, Rosny-sur-Seine et Mantes la Jolie entre en gare de Paris-Saint-Lazare. A l'ouverture des portes, les rames déversent sur les quais des centaines de voyageurs. La plupart arbore des masques de vache. L'idée ? Montrer et faire entendre leur colère à la direction de la SNCF lors de ce happening un peu particulier, organisé par quatre associations d'usagers du Mantois.

C'est donc quasiment un millier de voyageurs qui descendent du train en meuglant. « Nous avons souhaité par cette opération pacifique montrer notre ras-le-bol. Nous sommes tous les jours transportés comme du bétail », évoque Louis Gomez du comité des usagers de l'ouest francilien. Ses arguments, il les déballe avec force : « Nous voyageons dans des conditions inacceptables. Depuis 5 ans, nous assistons à une aggravation des conditions. Cette ligne est aujourd'hui complètement saturée et nous ne pouvons plus continuer comme ça » , poursuit Louis Gomez.

Le trajet vers Paris devient un véritable enfer. Les voyageurs qui montent dans les rames au départ du train occupent les places assises, mais à chaque arrêt, les rames deviennent trop petites pour contenir le flot de voyageurs. Résultat, les travailleurs parisiens sont entassés comme dans le métro à l'heure de pointe. Sans parler des retards qui sont récurrents. « Nous essayons de soumettre des propositions à la SNCF, mais pour faire avancer les choses, nous souhaitons avoir un seul interlocuteur pour la ligne. Cela faciliterait le dialogue », explique Louis Gomez.

Une voyageuse accuse

« Aujourd'hui, j'accuse la SNCF d'être fautive du grand stress des usagers, qui peuvent en plus de perdre leur crédibilité auprès de leurs employeurs à cause de retards répétitifs et de fatigue supplémentaire ». Ces quelques mots figurent en conclusion d'une lettre rédigée par Nathalie Lesieur, une usagères excédé après avoir fait le voyage de trop dans des conditions plus que douteuses. « Il existe une nouvelle mode de pratique, détaille-t-elle dans son courrier adressé au service Relations clients de la SNCF : le raccourcissement de la longueur des trains. Résultat, les trains arrivent à Mantes la Jolie bondés et nous sommes obligés de voyager debout et pratiquement aussi serrés que dans les métros, mais pour 40 minutes de trajet environs ». Selon ses dires, « le manège » se reproduit le soir au départ de Saint-Lazare. « Si nous ne sommes pas les premiers à monter dans la rame, nous restons en otage sur le quai car il n'y a plus de place et nous sommes contraints de prendre le train suivant ». Un train qui ne part souvent que 20 minutes après. Elle rappelle également que pendant la période de grand froid, les usagers ont été habitués « à voyager sans chauffage, cette option étant apparemment inexistante ou défectueuse dans ces fameuses rames neuves et confortables que la SNCF coupe en deux pour obtenir plus de train à faire rouler »...

« Avant que l'exaspération des usagers devienne un jour débordante », Nathalie Lesieur demande, au terme de son courrier revendicateur à la SNCF « d'assurer son rôle de service public et d'améliorer au plus vite les conditions de voyage de ses clients, obligés de prendre quotidiennement le train pour se rendre à leur travail ». Sera-t-elle entendue ?

Céline Evain

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